Une des raisons d’être du questionnement philosophique en entreprise, c’est de bien définir finement les mots couramment utilisés. Trop souvent, des difficultés proviennent du fait que nous ne nous entendons pas sur le sens d’un mot. Combien de foires d’empoignes qui proviennent d’une cacophonie sémantique ? Or, qu’est ce qu’entreprendre ? Voila une question susceptible d’intéresser chaque manager ! Le Larousse définit ce verbe comme suit :
- 1. Commencer à exécuter une action, en général longue ou complexe : Entreprendre des études. Il avait entrepris de nous prouver que nous avions tort.
- 2. Avoir un entretien serré et parfois importun avec quelqu'un pour essayer de connaître son avis, sa position sur un sujet quelconque ou pour essayer de le convaincre.
Que peut nous donner à penser une telle définition ?
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1. Entreprendre, ce n’est pas seulement mettre en œuvre un ensemble de procédures.
Les définitions proposées le montrent à suffisance : Entreprendre désigne une réalité variée et diversifiée, une action qui doit être marquée du sceau du commencement. Ce n’est ni faire toujours la même chose, ni mettre en œuvre des recettes. L’entreprise est toute entière fondée sur le mystère de l’action : Comment être héritier (d’une société, d’une histoire…) en étant capable de poser un regard neuf, d’enlacer un nouvel horizon ? Comment donner lentement mais sûrement corps à une intuition ? Le paradoxe auquel s’affronte toute entreprise est le suivant : Il faut déjà juger selon un principe d’action qui ne sera réalisé que progressivement, au cours d’un parcours sinueux fait de tentatives toujours à reprendre, dans des contextes fluctuants et irréversiblement singuliers. On comprend qu’une telle mise en œuvre demande un savant dosage de contrôle et d’abandon, de changement et de conservation, d’audace et de prudence. Perdre la dynamique du paradoxe, c’est entrer dans des dichotomies ruineuses (de type tout planifier ou au contraire céder à la frénésie du moment...)
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2. Entreprendre désigne un croisement entre l’action et le relationnel.
Si entreprendre, c’est agir, ce n’est pas que cela. Ou plutôt, il s’agit d’une action qui n’est ni totalement solitaire ni intégralement mécanique. Entreprendre c’est agir avec, grâce, pour et sur des relations. Aucun leader ne se construit tout seul, aucun manager ne peut se vivre comme un Robinson Crusoé. On dit que derrière tout grand homme se cache une grande femme..Cette réflexion est ô combien vraie également pour l’entreprise. Devenir performant, c’est s’entourer d’une équipe qui peut donner le meilleur, où chacun peut vivre en relation avec les autres d’une façon féconde. Difficile synergie, aux antipodes de ce travail en silos si souvent pratiqué encore dans le monde du travail et du business.
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3. Entreprendre, c’est aussi apprendre à faire avec la violence.
Qui dit relation dit, immanquablement frictions. La deuxième définition le montre bien : entreprendre c’est aussi pousser à.., chercher à convaincre, se confronter aux dynamiques et aux arcanes du pouvoir. Deux tentations sont à éviter : Faire comme si les relations humaines pouvaient être parfaitement harmonieuses (angélisme) ou ne vivre le rapport à autrui que comme manipulation, enlevant toute possibilité humaine de donner. Il y a là un chantier philosophique incroyable, qui pourrait modifier en profondeur la vie de nos entreprises. Car, entreprendre, c’est œuvrer à une grande aventure humaine, avec ses sommets, ses gouffres, ses tristesses et ses joies.
Dans mon entreprise, qu’ai-je envie d’entreprendre ? Comment se passent les relations avec mon équipe ? Comment puis-je vivre dans une fidélité créatrice lucide par rapport à ce qui m’est demandé ?