Qui fait l’ange fait la bête.
Blaise Pascal.
Aujourd’hui, le maître mot est : Positif ! Qu’on doive le rester ou qu’on ait à le devenir, qu’il s’agisse de la pensée ou de l’attitude, ce petit mot nous semble être la clef infaillible pour sortir de l’inquiétude, l’abracadabra pour acquérir une confiance totale. Un jackpot spirituel bien plus tentant encore que les promesses toutes matérielles de l’Euromillion. Difficile, face à ce raz de marée, d’oser le moindre bémol, d’esquisser la plus petite réserve, sans passer automatiquement pour quelqu’un qui refuse d’être positif, justement !
Or, le simple fait que la critique puisse sembler impossible devrait nous alerter : la pensée positive, comme toute pensée d’ailleurs, se doit d’être limitée pour être pleinement opérante. Voir en elle un absolu, la réponse à toutes les questions, le mode d’emploi parfait ou l’attitude obligatoire et praticable partout, court le risque de lui faire perdre le sens qu’elle peut offrir, voire, pire, de la faire virer au cauchemar. Un problème récurrent ? Pof ! Pensez positif ! Une erreur ? C’est parce que vous n’avez pas assez positivé ! Un contrat perdu ? Sans doute n’y avez-vous pas assez cru ? Un gouffre plus fort que vous ? Allons, faites un effort, que diable, etc, etc… Les exemples abondent qui, gommant la complexité des choses, en viennent à « psychologiser » la réalité à outrance au risque de créer de nouvelles culpabilités et autres diabolisations. Penser positif ? Certes, mais avec réserve.
C’est que, notre penchant à l’idéalisme dût-il en souffrir, nous ne sommes pas des anges : nous avons beau vouloir, nous n’arrivons pas toujours au résultat escompté. La faute aux autres, à nos limites, à la vie… Certes, le monde serait plus simple s’il suffisait de décréter son désir d’être positif pour le devenir effectivement, sans l’ombre d’un souci. Mais pas besoin d’avoir fait 25 ans de psychanalyse freudienne pour se rendre compte qu’il s’agit là d’un fantasme de toute puissance que les angoisses, limites et autres circonstances de la vie se chargent de compliquer considérablement. Nous faisons donc non ce que nous voulons, mais bien ce que nous pouvons. Alors, penser positif, certes, mais à demi.
Enfin, reconnaissons-le : c’est aussi nos ombres qui nous constituent, nous donnent du relief. Etres de clair-obscur, fait d’à peu près et de peut-être, nous ne sommes entièrement déterminés par rien, échappons à toutes les tentatives de maitrise totale, fussent-elles exercées au nom du bonheur intégral. Nos défauts, rebuffades et autres blessures incurables sont le signe de notre libération possible, les prémisses de notre liberté toujours à naître, la preuve que nous ne pouvons être totalement mis en algorithmes ou transformés en pures mécaniques. Notre fragilité est le lieu où nous attend la rencontre véritable avec les autres. C’est notre chance, ce qui fait de nous des êtres de changement et d’amélioration possible. Il ne s’agit pas de se glorifier de nos défauts et autres accès de colère, de prôner un immobilisme satisfait. Mais, au contraire, de prendre conscience que la part obscure de notre être, parce qu’elle est lieu d’humilité et de vérité, peut nous aider à mieux entrer en relation avec les autres, d’une façon moins intolérante et crispée. Nous ne sommes pas parfaits ? Eh bien, c’est parfait ! Alors, penser positif, certes…mais pas seulement !
Posez-vous la question : De quelle énergie connotée spontanément négativement puis-je faire une force ? A quel prix ?