Partout, dans les formations en leadership, il est question de pousser les collaborateurs à donner le maximum. Objectif à priori louable, avec lequel il semble absurde d’être en désaccord. Encore faut-il comprendre ce que cette injonction signifie, et peut-être ce qu’elle cache. S’agit-il de pousser des gens déjà épuisés à en donner encore plus ? Et si oui, pour quels bénéfices ? Ou alors, une telle injonction nous invite t’elle à rêver un monde parfait, sans tensions ni conflits, un refuge idéal ou chaque individu, en perpétuel autodépassement contribuerait comme par magie à l’émergence d’un collectif sans failles ? A voir le nombre de burn out et de souffrances au travail, on peut légitimement en douter. Et ce pour une raison simple : un collectif n’est pas un agrégat d’individus, ne se limite pas à l’addition de volontés individuelles, aussi bien intentionnées soient elles, d’ailleurs. C’est, au contraire, un mélange subtil et jamais totalement contrôlable entre les qualités, les défauts, les potentialités et les incapacités d’un ensemble d’êtres qui ont besoin de se savoir et de se voir respectés et entendus, mis à la place où ils pourront donner leur meilleur plutôt que d’imposer leur pire. Une équipe qui marche c’est une équipe dans laquelle entraide, solidarité, don et contre don circulent en liberté, où on apprend à ne pas trop se jeter la pierre à la moindre erreur.
Raison pour laquelle un bon manager n’est pas simplement un entraineur, un comptable ou un ingénieur, mais un accompagnateur en humanité, capable de connaitre subtilement, pudiquement et en profondeur, ceux qui sont sous sa responsabilité. Cela demande du temps, et un certain renoncement : celui de vouloir à tout prix tout maitriser pour que tout fonctionne parfaitement. Beaucoup de choses réussissent de ne pas être institutionnalisées, définies, planifiées. Si une initiative marche un jour, vouloir la refaire à tout prix le lendemain provoquera peut-être un échec. Un collectif, c’est une alchimie, un ensemble qui désire à la fois être mené et qui s’ébroue, c’est davantage et autre chose que ce que l’on pense, assez peu arithmétique, au fond. C’est un lieu non pas où chacun doit donner plus mais peut donner mieux, comme il peut. Et cela pour éviter d’entrer dans des spirales négatives, par fatigue, dépit manque de discernement, ou pire, désespoir. C’est parce que nous ne pouvons pas faire tout que nous pouvons accomplir quelque chose. Lorsque l’on évoque la relation qu’on entretient avec les défauts d’un être aimé, on dit qu’on « fait avec ». N’est ce pas la meilleure définition d’un collectif ?